Mathilde Machado

Directrice artistique chez blossom

Exigeante, volontaire, réaliste

La transformation responsable a conduit à l’évolution des métiers que l’on exerce. Comment ressentez-vous cette évolution dans votre travail?

Au niveau du design, j’ai surtout observé un retour à l’essentiel avec la recherche d’un certain réalisme.
Avant, le graphisme avait pour principale mission d’apporter une esthétique séduisante; maintenant, on montre les choses comme elles sont. On est passé d’un graphisme de persuasion à un graphisme d’utilité publique. Chez blossom par exemple, nous avons récemment réalisé une campagne contre le sexisme à Genève. Ce type de mandat de sensibilisation – en ligne avec notre nouveau positionnement – est de plus en plus fréquent. On s’éloigne des projets essentiellement commerciaux visant à promouvoir des produits et des services au profit de campagnes axées sur des valeurs ou des comportements auxquels le public pourra s’identifier.

Dans l’édition aussi on observe une évolution vers plus de naturel. Au niveau des papiers par exemple, les références recyclées sont plus demandées qu’auparavant. Notre boîte d’échantillons de papiers conçus de manière éco-responsable s’est d’ailleurs transformée en étagère tant l’offre est devenue importante!

Enfin, je me réjouis de l’émergence d’une nouvelle forme d’empathie dans l’univers graphique qui encourage l’adaptation des supports aux caractéristiques des différents utilisateurs. On parle de design inclusif. Par exemple améliorer les contrastes de sorte à faciliter la lecture aux personnes daltoniennes, ou augmenter la taille standard des caractères pour rendre la lecture plus aisée aux seniors. Ce changement s’observe dans de nombreux domaines comme la mode ou la cosmétique: la diversité de la population y est mieux représentée. On voit différents types de corps, de beautés qui reflètent davantage la réalité. Avant, les marques visaient une image plus lisse, plus neutre des individus. Aujourd’hui, elles cherchent davantage à représenter leur public. Les recherches iconographiques qu’on effectue pour nos clients sont dans ce sens plus complexes mais la démarche rend le travail beaucoup plus intéressant.

«Tout devient plus vrai. Avant, le graphisme avait pour principale mission d’apporter une esthétique séduisante; maintenant, on montre les choses comme elles sont.»

Comment votre parcours et vos compétences vont-ils vous permettre de contribuer à la transformation responsable de vos clients?

Grâce à ma formation en direction artistique multimédia, je développe aussi bien les projets destinés à l’impression qu’à un support numérique. Ce qui change aujourd’hui c’est que le mode de diffusion du message intervient dès le début du brief et impacte l’ensemble du processus créatif.

Par exemple, pour réaliser une carte de vœux éco-responsable, en lieu et place de dorures, je privilégierais un papier de bonne facture pour l’élégance, un message fort pour l’émotion et j’opterais pour une découpe spéciale pour éviter l’utilisation supplémentaire d’une enveloppe.

Au-delà du choix des matériaux, nous encourageons tant que possible la production d’imprimés neutres en émissions de CO2 en collaboration avec des imprimeurs engagés dans des projets de la fondation myClimate.
Les sites internet que nous réalisons ne sont pas en reste. Nous travaillons principalement avec l’hébergeur Infomaniak dont les datacenters sont situés en Suisse et refroidis sans climatisation en vue de réduire au maximum leur impact négatif sur l’environnement.

Mises bout à bout, ces actions nous permettent de réduire considérablement l’impact écologique des projets de nos clients. Cela demande naturellement une bonne connaissance des pratiques de nos fournisseurs que nous rencontrons régulièrement.

Qu’est-ce qui vous motive dans cette dimension de votre métier?

C’est une évolution qui me réjouit. En termes créatifs, la liberté est bien plus grande! À titre personnel, je suis bien plus à l’aise, car mon travail reflète davantage mes valeurs. Nous avons un rôle à jouer auprès des marques pour promouvoir une communication sans zones d’ombres ni détours. Les consommateurs exigent de plus en plus de transparence. Il s’agit d’accompagner la transformation pour que l’ensemble du processus de production de valeur soit cohérent et que les actes reflètent les intentions. On voit du reste de moins en moins de messages à astérisques, à peine lisibles par les consommateurs. Les messages que l’on met en avant sur les brochures ou sur les sites internet sont plus clairs et authentiques.

Il est beaucoup plus gratifiant pour moi de travailler sur des projets à impact positif. Le graphisme est une discipline assez personnelle, on y met de soi. Bien sûr, il faut s’adapter au client, mais on retrouve toujours la patte du graphiste. Savoir que grâce à mon design, le message va pouvoir être transmis et compris par la cible visée m’apporte une grande satisfaction.

Cette évolution est source de fierté également, notamment face à mon entourage. Le domaine de la communication est souvent perçu comme superficiel ou manipulateur. J’explique désormais que je mets en forme des idées utiles et que je défends ainsi des causes nobles. Je prends volontiers l’exemple de la campagne de lutte contre la Covid-19 en expliquant que derrière cette communication essentielle, il y a des graphistes qui ont travaillé et permis aux autorités de transmettre leur message de manière claire auprès de la population.

Avez-vous déjà évolué en termes de comportement dans votre quotidien?

Je fais partie d’une génération qui a toujours été sensibilisée à la cause environnementale. J’adopte des comportements que mes parents n’appliquaient pas à mon âge, comme trier mes déchets. Je suis consciente de mon empreinte écologique et j’essaie de la réduire au maximum en faisant attention à la provenance des produits que j’achète. De manière générale, je me suis fixé comme objectif de consommer moins cette année. Je réfléchis également à ma manière de voyager. Bien évidemment aux moyens de transport mais pas seulement. Je mets un point d’honneur à m’adapter aux autres, aux habitants qui m’accueillent et à respecter leurs pratiques.

Je n’ai donc pas connu de prise de conscience majeure mais ma sensibilité aux questions environnementales et sociétales grandit. Je crois que c’est le cas pour la plupart des jeunes de ma génération. Cela me donne de l’espoir.

Quelle marque vous inspire tout particulièrement par son action / son engagement?

J’ai été bluffée par la marque de cosmétique française Aime. Ils ont été les premiers à remettre en cause la façon de penser la beauté. Ils prônent une beauté qui vient de l’intérieur. Ils ont ainsi bouleversé toute l’industrie en proposant des compléments alimentaires.

Grâce à une communication intelligente, ils ont réussi à expliquer les bienfaits de leurs produits et à les placer au même niveau que d’autres produits de Skincare. C’est un travail considérable compte tenu des réticences que peuvent avoir les consommatrices et les consommateurs lorsqu’il s’agit de produits à ingérer. En plus d’être instructive, leur communication est belle! N’est-ce pas l’idéal quand on parvient à combiner l’utile à l’agréable?

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